Régulation de la circulation
La régulation de la circulation a pour objet de procurer à toutes les parties du corps assez de sang, que l'individu soit au repos ou au travail, et quelles que soient les conditions ambiantes. Pour ce faire, il faut a) assurer une perfusion minimale à chaque organe, b) garantir la régulation de la fonction cardiaque et de la pression artérielle (homéostasie) et c) assurer la répartition du débit sanguin au profit des organes en activité (par exemple les muscles) et aux dépens des organes au repos (par exemple le tube digestif et les reins) ; une perfusion maximale simultanée de tous les organes dépasserait les capacités du cœur.
Le contrôle de la perfusion des organes se fait d'abord par une modification du diamètre des vaisseaux. L'état de tension (« tonus ») de la musculature des vaisseaux est sensible 1 ) à des facteurs locaux, 2) à des signaux nerveux ou 3) hormonaux. La plupart des vaisseaux sont, au repos, dans un état de tension moyenne (« tonus de repos »). La dénervation provoque un élargissement partiel des vaisseaux («tonus de base »). Le tonus de base résulte de la dépolarisation spontanée de la musculature vasculaire.
1. La régulation circulatoire locale (autorégulation) a deux fonctions :
- d'une part, lorsque la demande de l'organe perfusé est constante, l'autorégutation sert à assurer une perfusion constante quelle que soit la pression artérielle (par exemple vasoconstriction lors de l'augmentation de la pression artérielle dans les reins):
- d'autre part, la deuxième fonction de l'autorégulation est d'ajuster la perfusion à l'activité de l'organe, c'est-à-dire d'ajuster la perfusion à la demande (autorégulation métabolique). Dans le cas du muscle cardiaque ou du muscle squelettique par exemple, la perfusion peut augmenter de plusieurs fois la valeur de la perfusion de repos.
Mécanisme de l'autorégulation
- Effets myogènes (dépendant de la musculature des vaisseaux) : un élargissement des vaisseaux sous l'effet de l'augmentation de la pression sanguine provoque une contraction de la musculature vasculaire (par exemple : reins, cerveau mais pas la peau).
- Effets de la carence en O2 : généralement, la carence en O2 provoque une vasodilatation, ce qui veut dire que la perfusion varie en fonction de la consommation d'O2 du tissu. Par contre, dans le poumon, la chute de PO2 dans l'environnement du vaisseau se traduit par une constriction de ce dernier : il en résulte que le flux sanguin est dévié vers des zones pulmonaires « plus riches en O2 », ce qui va dans le sens d'une amélioration de la prise en charge de l'O2 au niveau du poumon.
- Une augmentation locale des métabolites (CO2,Ca+2.ADP.AMP.adénosine.etc.) et, d'une façon plus générale, les substances à effet osmotique (K+), accroît la perfusion, effet qui participe au réglage de l'évacuation de ces produits. Ces effets métaboliques ajoutés à ceux de la carence en O2 expliquent qu'après un blocage de l'irrigation sanguine (garrot, etc.), l'augmentation de la perfusion peut être multipliée par 5 par rapport à la valeur de repos, dès lors que le blocage est levé (hyperémie réactionnelle).
- Les substances vasoactives (« hormones tissulaires ») telles que la kallicréine, la bradykinine, l'histamine (vasodilatateurs) et l'angiotensine II (vasoconstricteur), peuvent être déversées en un lieu donné aussi bien sous l'effet de facteurs locaux que nerveux. Ces produits peuvent, en outre, être véhiculés par la circulation et agir à distance comme signaux hormonaux au même titre que les catécholamines, et elles peuvent participer à la régulation du flux de perfusion, à distance de leur lieu de libération.
Les débits sanguins cérébral et coronaire sont exclusivement sous contrôle métabolique local.
2. Le contrôle nerveux du diamètre des vaisseaux (en premier lieu des artérioles) passe, sauf rares exceptions, par le sympathique, dont les terminaisons postganglionnaires ont un effet sur les récepteurs α (α1) (vasoconstricteurs) et sur les récepteurs β2 ( vasodilatateurs).
Les récepteurs α se trouvent principalement dans les reins et la peau, les récepteurs β2 dans les muscles squelettiques alors que les vaisseaux du tractus digestif et du cœur possèdent autant de récepteurs α que de récepteurs β. Dans la peau (et les reins) seule une vasoconstriction est possible tandis que dans les muscles, les intestins, etc., les vaisseaux peuvent soit se distendre, soit se contracter. Les récepteurs β des muscles squelettiques sont moins sensibles aux influences nerveuses qu'à l'adrénaline circulant dans le sang.
La coordination nerveuse de la perfusion des organes se fait principalement par deux voies : a) par coactivation d'origine centrale : lors d'une activation d'un groupe musculaire, le cerveau envoie aussi des impulsions aux centres régulateurs de la circulation ; ou b) par voie réflexe à partir des organes dont l'activité et le métabolisme se sont modifiés. Lorsque des influences locales et nerveuses sont en conflit, par exemple la stimulation sympathique durant le travail musculaire, les influences métaboliques prédominent.
La perfusion du cerveau et du muscle cardiaque dépend presque exclusivement des facteurs locaux métaboliques, alors que la perfusion de la peau est essentiellement sous le contrôle du système nerveux central, et ceci principalement à des fins thermorégulatrices.
Lorsque la température est très basse, la vasoconstriction d'origine thermique au niveau de la peau, est périodiquement levée (réaction de Lewis), pour éviter des lésions tissulaires.
On pense que les effets directs de la température sur les vaisseaux sanguins aussi bien que le réflexe d'axone jouent un rôle important dans ce mécanisme, par exemple une impulsion afférente venant de la peau retourne à la périphérie par des fibres nerveuses efférentes. L'érythrodermie due au grattage (dermographisme) est provoquée par un mécanisme analogue. En plus, lors d'un déficit du volume sanguin, la peau fait office de réservoir de sang (pâleur cutanée due à la mobilisation du sang hors de la peau).
Les récepteurs α et β des veines (vaisseaux capacitifs) contrôlent le volume et par là-même le débit de retour de sang au cœur.
Il existe une voie nerveuse vasodilatatrice particulière aux mammifères qui contrôle les anastomoses AV au niveau des muscles squelettiques ; elle suit le trajet des faisceaux sympathiques en périphérie, mais est cholinergique dans sa portion postganglionnaire. La perfusion augmente grâce à cette voie juste au moment de la mise en jeu des muscles squelettiques (réaction de préparation ou de démarrage). Cette voie est actuellement incertaine chez l'homme. Une dilatation vasculaire contrôlée par le système parasympathique a lieu au niveau des organes génitaux (érection), dans certains vaisseaux de l'arachnoïde et dans les glandes salivaires et sudorales (de manière indirecte par la kinine).
3. Un contrôle humoro-hormonal du diamètre vasculaire se fait par l'intermédiaire des catécholamines sécrétées par les surrénales. L'adrénaline est vasodilatatrice à faible concentration (récepteurs β2) et constrictrice à forte concentration (récepteurs α, cf. voir aussi p. 58). La noradrénaline n'agissant que par les récepteurs α est exclusivement vasoconstrictrice.
Le contrôle central de la circulation siège dans le SNC, dans le bulbe et dans le pont. C'est là qu'aboutissent les voies qui viennent des récepteurs du système à haute pression [récepteurs sensibles à l'étirement ou à la pression dans l'aorte et les carotides). les voies qui viennent des récepteurs du système à basse pression (récepteurs sensibles a l'étirement dans la veine cave et dans les oreillettes ) et les voies qui viennent des récepteurs du ventricule gauche. Ces récepteurs évaluent la pression artérielle, la fréquence cardiaque et la pression de remplissage du système à basse pression (par là même le volume sanguin) : récepteurs A lors de la contraction auriculaire et récepteurs B) lors du remplissage passif. Aux perturbations de ces grandeurs, les zones concernées du SNC (centre circulatoire) répondent par l'envoi d'impulsions vers le cœur et les vaisseaux.
Dans le « centre circulatoire », se trouve, en position latérale, une « zone pressogène », dont les neurones envoient continuellement des impulsions au cœur et aux vaisseaux par le système sympathique ; celui-ci exerce donc une action stimulante sur le cœur (fréquence et force de contraction) et une action vasoconstrictrice (tonus de repos). « Les zones pressogènes » sont en étroites liaisons avec le champ des neurones dépresseurs situés au milieu du « centre circulatoire » ; les deux « zones » (pressogène et dépressogène) sont aussi reliées aux noyaux du nerf vague, dont l'excitation conduit à une diminution de fréquence et à un allongement du temps de conduction dans le cœur.
Les impulsions afférentes des circuits réflexes de l'homéostasie circulatoire passent par des voies qui vont des barorécepteurs de l'aorte et des carotides vers les centres nerveux ; ces impulsions maintiennent en premier lieu la pression artérielle à un niveau fixe (régulation de la pression artérielle). Une hyperpression aigue augmente la fréquence de décharge dans ces neurones et active le champ dépresseur où naît la réponse réflexe (dépressive) : a) par le nerf vague, elle diminue la vigueur du cœur et b) par une inhibition de l'innervation vasculaire sympathique s'installe une vasodilatation, qui entraîne en conséquence une diminution des résistances périphériques. Ces deux effets conduisent à une chute de la pression qui était anormalement élevée au départ. Inversement, une chute de pression sanguine active le système pressogène, ce qui entraîne une augmentation du débit et une augmentation de la résistance périphérique, de telle sorte que la pression se rétablisse. C'est grâce aux propriétés des récepteurs sensibles aux différences de pression que peut s'effectuer l'autorégulation de la pression sanguine ; cette autorégulation concerne les variations brutales ou aiguës de pression qui se produisent par exemple lors des changements posturaux (passage de la position couchée à la position debout) du fait des nouvelles répartitions du sang. Le retour veineux modifié par ces processus conduirait à des oscillations importantes de la pression artérielle si ces réflexes d'homéostasie circulatoire n'avaient pas lieu (réaction orthostatique). De même, une augmentation de PO2, ou une chute de PCO2 dans le sang conduisent à une réaction pressogène, c'est-à-dire à une augmentation de la pression artérielle indispensable dans ce cas (il faut noter que les centres circulatoire et respiratoire sont étroitement liés).
Cependant, si la pression sanguine est élevée de manière chronique (hypertension artérielle = HTA), cette pression excessive est soumise, par le réflexe circulatoire, à une stabilisation, ce qui empêche les hypotenseurs d'agir sur l'HTA chronique ; ils contribuent plutôt à la stabiliser. Une augmentation transitoire du retour veineux (par exemple lors d'une perfusion intraveineuse) conduit à une stimulation de l'action cardiaque. La signification physiologique de cette action réflexe, appelée réflexe de Bainbridge, n'est pas évidente. Ce réflexe complète sans doute le mécanisme de FrankStarling.