Des globules blancs remis d’aplomb
Le virus du sida (VIH) terrasse le système immunitaire des personnes contaminées. Les lymphocytes CD8, ces globules blancs qui jouent un rôle pivot dans l’immunité, sont bien présents dans le sang mais ils se montrent incapables de lutter contre l’agresseur et de le tuer. Pourquoi en est-il ainsi ? Trois études menées indépendamment les unes des autres lèvent le voile : les CD8 capables de reconnaître les cellules infectées par le VIH produisent en grande quantité une protéine qui les empêche d’assumer leur fonction. Cette découverte fondamentale ouvre une voie thérapeutique inédite dans le cas du sida. « Tout est parti des travaux de Rafi Ahmed, d’Atlanta », raconte Rafick-Pierre Sékaly, du centre de recherche de l’hôpital Saint-Luc, à Montréal au Québec, qui a dirigé l’une des études (1). « En décembre 2005, il a montré avec son équipe que les cellules immunitaires de souris atteintes d’ une maladie virale chronique, produisaient à leur surface une grande quantité d’ une protéine appelée PD-1 (pour Programmed Death-1). Nous avons voulu savoir s’il en était de même chez l’ homme. »
Un an après, le constat est sans appel : non seulement les lymphocytes CD8 spécifiques du virus du sida présentent plus de PD-1 à leur surface que d’ habitude, mais la quantité de virus dans le sang est proportionnelle à la quantité de PD-1. Cette observation suggère un lien entre le nombre de protéines PD-1 exprimées par les lymphocytes et l’efficacité de ces globules blancs. La prise d’antirétroviraux fait, par ailleurs, chuter à la fois la quantité de virus et celle de PD-1. Deux autres équipes américaines sont arrivées au même résultat.
Plus intéressant encore, en comprenant le rôle de la PD-1 dans l’ infection au VIH, ces chercheurs sont parvenus in vitro à rétablir la capacité des cellules immunitaires à tuer leur cible. La protéine PD-1 est effectivement impliquée dans la communication des lymphocytes CD8 entre eux.
En se liant au récepteur dit PD-L1 d’un lymphocyte voisin, elle informe le globule de la disparition des agresseurs. Celui-ci cesse alors de produire des molécules de défense, telles que l’interféron gamma, pour ne pas reporter son offensive sur le corps humain.
Mais en présence du VIH la protéine PD-1 continue de s’ accumuler à la surface des cellules immunitaires, ce qui pousse l’ensemble des lymphocytes CD8 à abandonner le combat alors que de nombreux virus subsistent dans le sang. In vitro, les trois équipes ont donc bloqué les récepteurs PD-L1 à l’aide d’anticorps (voir schéma). Les lymphocytes CD8 n’ont plus été inhibés par la PD-1. Ils ont alors de nouveau mené le combat contre le VIH. Il est donc certain que la surabon1dance de PD-1 est responsable du dysfonctionnement des lymphocytes CD8. La prochaine étape ? « Nous allons tester le blocage par anticorps de la PD-1 chez les primates dans les prochains mois. Si ces tests sont concluants, les essais cliniques démarreront chez l’homme dans la foulée. »