Le point sur... : Le peeling
Comment un peeling fonctionne t’il ?
Selon la nature, l’affinité, la concentration et le pH des produits utilisés, ceux-ci vont descendre plus ou moins profondément dans l’épiderme et le derme pour entraîner une dénaturation, une coagulation des protéines cellulaires, du ciment interstitiel, de la substance fondamentale et des fibres conjonctives. Au passage, vaisseaux et terminaisons nerveuses peuvent être coagulés si le peeling est profond. La reconstruction se fera sans dommages à partir du conjonctif profond et des annexes (sudorales et sébacées) si le derme superficiel et l’ épiderme ont été détruits. Audelà du derme moyen cette réparation ne se fera plus et le peeling laisserait une peau cicatricielle identique à celle d’une brûlure accidentelle. Cette « brûlure chimique domestiquée » que constitue le peeling va donc agir en deux temps : un premier temps exfoliatoire qui emporte les cellules cornées, les disgrâces et tumeurs superficielles (lentigo, surcharge pigmentaire, verrues séborrhéiques, kératoses) pour l’épiderme, petites ridules correspondant à des fractures de la jonction dermo-épidermique si le peeling est plus profond, voire les rides conjonctives pour le peeling profond. Dans un second temps le choc chimique va entraîner une synthèse cellulaire intense à partir des cellules des couches basales de l’épiderme lors du peeling superficiel, des fibroblastes dans le peeling profond. De jeunes fibres de collagène et d’élastine, ainsi que de l’acide hyaluronique vont venir remplir, hydrater et retendre le derme. L’amincissement de l’épiderme va laisser entrevoir la vascularisation cutanée augmentée par néosynthèse de vaisseaux. Le teint redevient clair, la peau nette et tendue, le rajeunissement peut aller du simple coup d’éclat à l’ effacement quasi complet des rides selon la profondeur du peeling.
Il y a donc trois types de peelings. Quels sont les plus utilisés et dans quelles applications principalement ?
Oui, les peelings superficiels, légers, très utilisés, les peelings moyens et le peeling profond, presque essentiellement le phénol domestiqué, revenu en force pour sa sécurité et ses résultats exceptionnels depuis les travaux de Yoram Fintsi. Dans les peelings superficiels je mettrai à part les acides de fruit (acide glycolique, lactique etc..) qui sont utilisés le plus souvent par les esthéticiennes ou en automédication lorsqu’ils sont peu concentrés et bien tamponnés.
Pour le médecin, qui les utilise à des concentrations plus fortes leur indication principale est l’ acné, les taches très superficielles (mélasma) ou pour un coup d’éclat. À forte concentration et à pH très bas ils sont d’un maniement plus délicat car leur pénétration est variable et parfois imprévisible. Une place particulière doit être donnée à l’ acide trichloracétique, le TCA, qui est le peeling le plus utilisé à l’heure actuelle dans les concentrations entre 15 et 20 %.
C’est un produit stable et peu coûteux. Il est soluble dans l’ eau et peut facilement être mélangé à de la glycérine, du propylène glycol ou encore à des excipients divers comme les saponines qui permettent une pénétration homogène. Différents coffrets comme par exemple, la formule à 15 % commercialisée sous le nom d’Easy Peel®, ou encore le Blue Peel® d’Obagi, sont vendus dans le commerce offrant une sécurité d’utilisation et d’efficacité appréciables. Son utilisation est aisée et ses indications multiples. L’Easy Peel® s’utilise souvent de façon répétée, à la concentration de 15 %, entre 1 à 2 semaines d’intervalle, pour obtenir un effet de sommation sans effet secondaire désagréable : une simple rougeur et une desquamation à peine visible autour du 3ème jour.
On obtient ainsi des résultats sur les pigmentations superficielles, les dyskératoses, la peau grise, terne, sèche et rugueuse, qui deviendra plus douce au toucher, rose au regard.
Plus appuyé entre 20 et 30 % le TCA devient peeling moyen, ses effets secondaires sont plus brutaux, la brûlure plus intense, la peau devient marron dans la semaine qui suit, la desquamation est plus importante, le risque de rebond pigmentaire plus grand. Il est utile à ces concentrations quand il accompagne un peeling profond sur des zones localisées en peribuccal, periorbitaire ou encore sur les joues. Je ne pense pas personnellement qu’il soit plus efficace à ces concentrations qu’une série d’ Easy-Peel® à 15 %. Au-delà de 30 % je le déconseille car la pénétration du TCA est alors aléatoire et le risque cicatriciel plus important, même domestiqué il entraîne un aspect un rien dépigmenté et porcelainé de la peau très inesthétique. Le phénol domestiqué est bien plus sûr pour un résultat encore supérieur. Pour rester dans le chapitre des peelings superficiels et moyens il existe plusieurs produits associant acide kojique, acide salicylique, vitamine C, hydroquinone, résorcine et autres destinés plus spécialement à la dépigmentation des chloasma. Le mélanocyte est une cellule qui se révèle résistante quand on veut s’en prendre à elle et fragile quand on voudrait l’épargner. En un mot les pigmentations sont complexes, rebelles, superficielles et/ou profondes, multifactorielles, hormonales, post-inflammatoires, solaires, et il faudra s’armer de patiente et savoir rester « soft ».
Pour le traitement des rides et des cicatrices seul le peeling profond me paraît indiqué. Il faut rejeter les anciennes formules peu stables ou trop dépigmentantes pour choisir l’ Exopeel®, formule mise au point par Y. Fintsi. Il est nécessaire dans un premier temps pour les cicatrices, le plus souvent d’acné ou de varicelle, d’ en apprécier la profondeur, la souplesse, le degré d’effacement à la tension, la pigmentation. Ce qui permettra de mettre en place une stratégie qui fera appel aux injections de comblement, au relèvement au punch ou à l’aiguille avant de les attaquer par un phénol, souvent complété par une abrasion au papier verre dans le même temps opératoire ou à 24 heure.
Les rides liées au vieillissement et surtout à l’héliodermie, que ce soit le plissé des joues, les rides peri-orbitaires ou encore le code-barre de la lèvre supérieure, disparaîtront avec toutes les disgrâces superficielles que sont le lentigo et les kératoses.
Même certaines rides musculaires comme celles du front vont s’atténuer, voire disparaître par un effet tenseur du peeling qui s’accentue au fil des premiers mois. L’effet définitif s’ appréciant entre le 3ème et 6ème mois. Bien sûr ce peeling nécessite une solide formation et une bonne connaissance de ses applications. Les suites se simplifient avec l’expérience mais il faudra rester en communication téléphonique avec son patient chaque jour durant la semaine suivant l’acte. L’effet secondaire le plus gênant étant la rougeur qui peut durer plus d’un mois et de petits troubles pigmentaires qui s’uniformisent avec le temps. Le résultat à terme est souvent exceptionnel.
Comment procède t’on lors d’un peeling ?
La technique est simple et toujours la même : il s’agit d’appliquer régulièrement un produit chimique sur la peau qui va entraîner sa fonte plus ou moins profonde et sa régénération avec la formation d’un collagène et de fibres élastiques jeunes, actives et nombreuses. C’est ce collagène qui viendra remplir les rides. Selon le produit, la peau va peler plus ou moins vite, de façon plus ou, moins importante. Les peelings superficiels permettent de mener une vie normale car la desquamation est à peine visible, le patient sort du cabinet le visage blanc-rosé un peu fripé si la concentration excède 20 %, une crème postpeel adaptée et un écran solaire suffiront. Il faut s’avoir que le nombre de passage, l’appui plus ou moins fort du coton, son imprégnation plus ou moins importante, conditionnent aussi la pénétration du produit. Les peelings profonds, pour leur part, nécessitent pour le patient de rester à la maison durant 10 jours environ car au masque de sparadrap posé en sortie d’un Exopeel®, succède la pose d’un masque de poudre antiseptique et cicatrisant qu’il faudra conserver 6 à 7 jours !
Ces peelings sont-ils douloureux ?
La plupart des peelings peuvent être réalisés au cabinet sous anesthésie verbale avec un simple éventail. L’anesthésie locale à la lidocaïne est utile dès que l’on attaque les peelings moyens et le phénol peribuccal ou peri-orbitaire. Les points classiques sus et sous- orbitaires, canthus externes et mentonniers suffisent la plupart du temps, parfois une infiltration d’anesthésique dilué au niveau des joues peut-être utile. Bien-sûr, en raison des troubles du rythme engendrés parfois par le phénol appliqué trop rapidement sur toute la surface du visage, il est indispensable de disposer d’un scope et d’un oxymètre mais appliqué lentement et sur de petites surfaces le phénol ne présente aucun risque toxique. Je n’utilise pas de crème anesthésique car elle crée une hyperhydratation qui modifie la pénétration du peeling. De même je ne prépare plus la peau aussi intensément que je le faisais, il y a quelques années, je me contente d’essayer de mettre les mélanocytes au repos avec diverses crèmes ou préparation.
Combien de fois peut-on répéter les peelings ?
Le protocole de l’Easy peel® prévoit 4 séances consécutives à une semaine d’intervalle, les AHA (alpha-hydroxy-acide), le TCA peuvent ainsi être répétés aussi souvent que nécessaire.
Plus le peeling est lourd, bien sûr, moins le patient sera enclin à le répéter. Je n’ai pas de recul suffisant sur l’Exopeel® mais je suis convaincu que le résultat doit se maintenir de nombreuses années. Une durée de 7 ans voire plus me paraît réaliste à condition bien sûr de ne pas abuser du soleil et du tabac.
Quels conseils donner à une personne souhaitant bénéficier de cette technique ? Quelles contre-indications ?
Quel autre conseil que de lui dire de s’adresser à son dermatologue ! Je pense que tout dermatologue s’intéressant à l’esthétique est susceptible de pratiquer ces actes à son cabinet à l’ exception de l’Exopeel® de tout le visage qui est un acte plus lourd nécessitant une structure adaptée. Il pourra, au mieux, lui conseiller le bon peeling en fonction de sa peau. Pour chaque produit il existe bien sûr des contre-indications mais elles sont relatives pour la plupart.
Comme toujours il est conseillé d’éviter de traiter lors de la grossesse, tout patient présentant des troubles de la cicatrisation ou une maladie de système etc. En commun et pour l’essentiel, retenons que toute affection infectieuse et en premier chef l’herpès en poussée, contre-indique un peeling, il faudra donc, prendre la précaution de mettre sous antiviral toute personne présentant de fréquentes poussées d’herpès. Les phototypes foncés, les Asiatiques, les métis et les noirs ont de gros risques de faire des troubles pigmentaires, enfin un Exopeel® de tout le visage est contre-indiqué en cas de trouble du rythme cardiaque, de diabète ou d’insuffisance rénale. Bien sûr l’exposition solaire avant comme après un peeling doit être évitée. L’ usage d’une crème écran 50+ sera donc recommandée durant 1 mois pour un peeling léger, six mois pour un peeling profond. Pour conclure, je préconise personnellement pour tout médecin désirant se mettre aux peelings d’avoir recours aux produits du commerce de préférence aux formulations. Les laboratoires ou distributeurs comme Néo-strata, Mene & Moy, Skintech, la Centrale du peeling, et j’en oublie, commercialisent des produits stables, de pénétration homogène, sans confusion possible sur les concentrations.