Les zoonoses : Ces maladies transmissibles à l’homme
Cas de la Douve
C’est un ver plat, d’environ 3 cm, parasite des mammifères. Les œufs sont disséminés avec les excréments du bétail, ils doivent impérativement tomber dans l’eau pour pouvoir continuer le cycle. Après une phase de maturation, l’œuf devenu une larve ciliée rejoint son hôte intermédiaire : un petit mollusque aquatique appelé limnée. Après une nouvelle phase de croissance, ce parasite appelé alors cercaire rejoint l’eau et nage jusqu’à trouver un support immergé : pierre ou végétal. Les herbivores (bétail ou homme) se contaminent en ingérant des plantes sur lesquelles des cercaires sont fixées et le cycle est bouclé !
On perçoit bien le rôle des divers protagonistes et l’ importance des divers hôtes. Au stade final de sa croissance, il s’agit d’un ver plat, parasite des hommes et des animaux qui les consomment, qui s’appelle la douve. « Elle provoque une hépatite parasitaire, explique Chantale Boulard, spécialiste de la douve au laboratoire de parasitologie de Tours (Institut national de recherche agronomique - Inra). Même si les foyers sont limités, le nord du Portugal surtout, le cresson est à surveiller ». Cresson, pissenlit et autres salades... des animaux sauvages sont vecteurs de la douve. Une ferme possédant un élevage autour d’un point d’eau est une cible sensible. La réponse est la vigilance d’une part et, d’autre part, la pratique d’une grande hygiène alimentaire. On ne le dira jamais assez : une salade doit être parfaitement nettoyée avant d’être dégustée.
Des maladies contagieuses
Le petit Larousse en couleurs est sans aspérité. La zoonose est une maladie microbienne, parasitaire ou virale atteignant les animaux et pouvant être transmise à l’homme. Quant à l’épizootie, la même encyclopédie nous apprend que c’est une maladie contagieuse qui atteint un grand nombre d’animaux.
Pour qu’une maladie se transmette d’un animal à l’homme, il faut certaines conditions. Que l’agent infectieux soit bien entendu pathogène pour les deux espèces. Que ces deux hôtes cohabitent à proximité.
Qu’il existe un vecteur de transmission entre les deux espèces. Celui-ci peut être un insecte (puce pour la peste) ou un simple contact.
Maladies des années quatre-vingt ? Non. Certes, elles apparaissent de façon médiatique jusqu’à fabriquer, ici et là, psychoses et vérités. Les zoonoses sont pourtant là. On en connaît les noms.
Certaines sont inscrites dans les mémoires comme la peste, par exemple. Ce mal qui répand la terreur est une très grave maladie infectieuse, contagieuse et épidémique due au bacille de Yercin. La peste se transmet par les puces du rat.
Autre exemple : la trichinellose, infection due à des larves du genre Trichinella, est, selon le laboratoire de parasitologiemycologie de Cochin à Paris, « à nouveau menaçante pour la santé humaine en France ». Depuis 1976, six épidémies provoquées par la consommation de viande de cheval ont impliqué plus de 1 700 cas. Parallèlement, des épidémies de trichinellose liées à la consommation de viande de sanglier sont de plus en plus signalées. D’après l’Office national de la chasse, en accord avec les médecins en charge de cette maladie, une éventuelle modification des habitudes culinaires des chasseurs et de leur famille serait une cause explicative (cuisson insuffisante, conservation au réfrigérateur, un certain temps, impérative).
Et puis, plus récemment, il y a la « vache folle ». Les images télé ont montré suffisamment de ces bovidés tremblotants, preuve, s’il en est, qu’il y a bien quelque chose d’anormal. Peu à peu, le consommateur-acteur a appris, sans les comprendre, les mots d’encéphalopathies spongiformes transmissibles et de prions. Le seul qui ait été retenu est celui de transmission.
L’épidémie d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) a commencé en 1985 au Royaume-Uni et atteint à ce jour plus de 170 000 têtes dans ce pays (donnée Inra). Elle a également été diagnostiquée en Suisse, en Irlande, au Portugal, en Allemagne et en France. Ce que les médias ont appelé, « la crise de la vache folle » a été déclenchée le 20 mars 1996 avec l’annonce par le ministère anglais de la Santé de la transmission vraisemblablement de cette pathologie à l’homme. Elle s’est traduite aussitôt par une grande méfiance des consommateurs vis-à-vis de la viande bovine entraînant une chute importante de la consommation. Depuis, l’actualité de cette maladie demeure très vive en Europe : nouveaux cas, éventuelles transmissions par le lait, le sang, entre espèces, tests de dépistage... Cette épidémie conserve toutefois des zones d’incertitudes concernant son étiologie et ses modalités de transmission.
Des zoonoses diverses
L’actualité ne doit pas cacher d’autres infections. Là encore, on est dans le domaine de la pathologie infectieuse et de l’immunologie. Citons par exemple, la chlamydiose et, en particulier, l’infection à Chlamydia psittaci, infection transmissible à l’homme par les oiseaux. La prévention des infections nécessite l’étude des facteurs de virulence des Chlamydia et l’identification de marqueurs épidémiologiques. Le but des recherches est d’améliorer le diagnostic, de mettre au point un vaccin efficace ne perturbant pas le dépistage des animaux infectés dans les troupeaux vaccinés et d’étudier la transmission des Chlamydia à l’intérieur d’un troupeau (brebis et chèvres) ou entre troupeaux.
Citons encore la brucellose. Elle demeure en ce début de siècle une zoonose majeure, distribuée dans le monde entier. L’éradication de cette maladie infectieuse, très préjudiciable à l’élevage et à la santé publique, nécessite la connaissance approfondie des propriétés fondamentales des Brucella, mais aussi celle des mécanismes de la réponse immunitaire de l’hôte.
Listeria fait aussi partie de ce catalogue. Considérée comme une maladie commune à l’homme et aux animaux (en particulier les ruminants), la listériose peut se manifester principalement par des avortements, des septicémies et des méningo-encéphalites. Chez l’homme, l’incidence annuelle (nombre de nouveaux cas) des cas de listériose est très faible : environ quatre cas par million d’habitants en France. Mais la létalité est élevée : 20 à 35 % des malades décèdent.
La transmission
Il existe aussi des maladies similaires nettement moins connues comme la « grippe du poulet », ou la fièvre « Q », par exemple. La presse a largement relaté le récent incident de Hong-Kong au cours duquel un virus aviaire Influenza très virulent pour l’espèce d’origine a franchi la barrière d’espèces et s’est avéré pathogène pour l’homme. On parle alors de grippe du poulet. Ce virus a très certainement atteint Hong-Kong depuis la Chine continentale où semble avoir eu lieu dans les mois précédents une épizootie chez les volailles. La première souche a été isolée en mai 1997, mais l’information relative à cet événement n’a circulé qu’assez tardivement. La grande nouveauté est que ce virus ait franchi la barrière d’espèce vers l’homme. Il s’y est montré très pathogène (4 morts sur 18 cas recensés). D’un point de vue épidémiologique, on ne sait pas s’il s’agit seulement de passages directs de l’oiseau à l’homme, intervenus sans doute avec une faible fréquence, ou s’il y a eu retransmission interhumaine. Selon les chercheurs de l’Inra, le seul élément en faveur de la seconde hypothèse est l’infection d’un médecin ayant soigné les premiers cas. En France, il n’y a pas eu d’isolement de virus aviaire Influenza depuis 1948.
Quant à la fièvre « Q », elle a été identifiée pour la première fois en 1935, en Australie, chez des personnes travaillant dans des abattoirs. Il s’agit d’une maladie transmissible à l’homme due à Coxiella burnetii, une petite bactérie largement répandue dans le monde et capable d’infester une vaste gamme d’hôtes incluant l’homme, les animaux domestiques ou de compagnie, le gibier, les rongeurs, les oiseaux. Ce sont généralement les ruminants qui sont les plus impliqués dans la transmission de la maladie.
Les Coxiella peuvent provoquer chez l’homme une infection aiguë qui se traduit par des épisodes fébriles isolés, des pneumonies, des hépatites granulomateuses (forme la plus fréquente en France), des avortements ou des méningoencéphalites. Mais le plus souvent, il s’agit d’infections bénignes (confondues avec une infection respiratoire banale) qui, dans un très petit nombre de cas, évolueront vers une infection chronique entraînant une fièvre prolongée, une hépatite, une ostéomyélite ou dans les cas les plus graves une endocardite qui peut être mortelle.
Au centre de l’éducation pour la santé
Ces maladies communes à l’homme et à l’animal, ces épidémies transmissibles nombreuses et variées - parmi lesquelles on pourrait également citer la tuberculose ou la rage - sont aujourd’hui au cœur des recherches scientifiques et médicales.
Elles nécessitent connaissance et éducation. Des maladies partagées contaminent cheptels et consommateurs. Elles sont dépendantes d’une information large au service des producteurs, pour les généralistes et pour les usagers. Elles nécessitent aussi une attention particulière en terme de prévention. L’hygiène avec le respect de règles élémentaires aussi banales que le lavage des mains, le rinçage des aliments, le suivi des conseils alimentaires : bien lire une étiquette, suivre les recommandations de cuisson, surveiller la bonne température des réfrigérateurs.
Les zoonoses sont à placer au centre de l’éducation pour la santé, en particulier auprès des populations les plus sensibles : femmes enceintes, personnes âgées, immunodéprimées, enfants, etc.
Leur contrôle et leur prévention passe par la limitation des contacts directs entre homme et animal et la limitation des vecteurs (lutte contre les insectes, lavage de mains, cuisson des aliments, etc.).
Pour en savoir plus
L’OIE, Office Internationale des Épizooties, Organisation mondiale de la santé animale, créé en 1924, a son siège à Paris.
Il réunit 151 pays dont les délégués forment un « Comité international » et s’appuie sur les travaux de quatre commissions spécialisées et de cinq commissions régionales. Sa mission est d’informer et de conseiller les services vétérinaires de ses pays membres, afin de contribuer à l’éradication des maladies animales les plus dangereuses pour l’animal ou pour l’homme et de déterminer les normes sanitaires pour les échanges internationaux. Parmi les maladies éventuellement transmissibles à l’homme et dont les foyers sont les plus souvent présents dans le monde des animaux sauvages, l’OIE vient de citer la tuberculose bovine, la brucellose, l’épizootie de rage vulpine, la fièvre charbonneuse, les tularémies, la fièvre de Vest Nile.
Parmi les maladies graves n’affectant que les animaux, l’OIE cite la peste porcine classique, la variole du crocodile, le syndrome de la trompe flasque, la conjonctivite aviaire aiguë.