Les plantes sur mesure
Les plantes transgéniques commercialisées à l’heure actuelle sont pour la plupart des plantes qui résistent à des ravageurs, des maladies ou des herbicides. Moins nombreuses sont celles qui ont été modifiées en vue de la production de molécules intéressant l’ industrie, comme c’est le cas du colza produisant de l’acide stéarique ou de l’acide laurique, que cette plante ne synthétise pas naturellement.
Les chercheurs du laboratoire de chimie agroindustrielle de l’école de chimie de Toulouse (ENSCT), en collaboration avec ceux d’une unité associée de l’ Inra, étudient quant à eux une voie encore différente : des plantes modi-fiées en fonction d’un procédé de transformation industriel. Autrement dit, on ne cherche plus à mettre au point une nouvelle plante, mais un couple plante - procédé indissolublement liés.
Les lipides sont cassés pour donner des acides gras
L’idée est d’introduire, par génie génétique, un gène codant pour une enzyme, la lipase, dans une plante oléagineuse. Ce gène est placé sous le contrôle d’une séquence promotrice réalisant l’expression de la lipase dans un compartiment cellulaire ou tissulaire de la graine différent de celui où s’accumulent les lipides. Au moment de la trituration de la graine, la lipase et les lipides sont mis en pré-sence, et une réaction d’hydrolyse, cata-lysée par l’enzyme, peut alors avoir lieu, cassant les lipides pour donner des acides gras, qui sont la matière de base de nombreuses fabrications (tensio-actifs, lubrifiants, produits alimentaires, etc.).
« La graine d’oléagineuse est conçue comme un substrat chimique et comme un microréacteur autonome pour la production d’acides gras libres », commente le responsable du projet à l’Inra. Par rapport aux procédés clas-siques, on gagne en simplicité. Ces derniers comportent en effet de nom-breuses étapes : extraction de l’huile des graines par pressage ou trituration en présence de solvants, raffinage de l’huile, hydrolyse des lipides pour obtenir les acides gras et purification des produits. Ces multiples étapes consomment des catalyseurs, des solvants, de l’énergie et engendrent des sous-produits.
Cinq ans pour prouver la faisabilité du procédé..
En réalisant l’hydrolyse des lipides in situ, on évite d’avoir à extraire et à raffiner l’huile. Ce qui devrait être à priori plus économique. « A condition d’avoir un réacteur enzymatique capable de réaliser simultanément l’ hydrolyse et la séparation des acides gras. Cela devrait être possible en exploitant le comportement hydrophile et hydrophobe des deux constituants majeurs en interaction »Les chercheurs de Toulouse, qui travaillent pour le compte d’un consortium d’industriels semenciers, se sont donné cinq ans pour prouver la faisabilité du procédé. Ils disposent du gène de lipase, d’origine bactérienne. Ce gène s’exprime dans le colza, mais il faut maintenant localiser cette expres-sion dans le compartiment voulu de la graine. Cette partie du programme a été confié à l’Inra, les chercheurs du laboratoire de chimie agroalimentaire se chargeant quant à eux de mettre au point le procédé chimique en aval.
... Et encore cinq ans pour l’industrialiser
Si la faisabilité du procédé est prouvée, il faudra encore cinq ans au moins avant que la culture des nouvelles plantes (colza, tournesol) soit développée et pour passer enfin à la phase d’industrialisation.