Antigènes tumoraux : reconnaissance et identification

L'existence d'une surveillance immunitaire active contre les tumeurs reste incertaine. Les bactéries et les virus reconnus et attaqués par le système immunitaire sont composés d'une multitude de protéines étrangères. En revanche, les cellules tumorales montrent des altérations minimales par rapport aux cellules normales, telles que des protéines tronquées ou mutées : le nombre d'antigènes «étrangers» potentiels est donc limité à quelques peptides. Plusieurs arguments suggèrent que la surveillance des tumeurs ne fait pas partie des tâches primaires du système immunitaire. Ainsi les patients avec des déficits immuns sévères dus par exemple au SIDA développent-ils un certain nombre de tumeurs liées au virus mais ne montrent aucun changement de l'incidence des tumeurs fréquentes. De plus les souris «nudes» dépourvues de cellules T fonctionnelles meurent d'infections sévères mais pas de tumeurs. Néanmoins, les résultats d'expériences chez l'animal et des premiers essais cliniques laissent espérer que des immunothérapies efficaces contre les tumeurs seront disponibles un jour.

Reconnaissance des antigènes tumoraux

Depuis le développement de la technologie de production des anticorps monoclonaux, il y a environ 20 ans, on essaye de produire des anticorps dirigés contre les cellules tumorales. Dans ce but, on immunise des souris avec des cellules de tumeurs puis on fusionne les cellules immunisées de leur rate avec les cellules d'un myélome immortalisé à l'aide du reactif polyéthylène glycol (PEG). Un défaut enzymatique fait mourir les cellules de myélome non fusionnées dans un milieu contenant les reactifs hypoxanthine, aminoptérine et thymidine (HAT). Les cellules survivant ont hérité de l'immortalité des cellules du myélome et la résistance à l'HAT des cellules de rate. Les cellules fusionnées (ou hybridomes) reçoivent également la spécificité de leur anticorps des cellules de rate. Les hybridomes produisant un anticorps spécifique de la tumeur sont clones à l'aide de la technique de dilution limite pour obtenir une lignée productrice d'un anticorps monoclonal.

Les cellules T peuvent également reconnaître les antigènes tumoraux. Ces antigènes, par exemple des protéines mutées, sont dégradés au sein de la cellule et présentés aux CTL CD8+ par les molécules du CMH de classe I. La réponse T est restreinte par les molécules HLA, c'est-àdire qu'elle dépend de l'adaptation du peptide tumoral à la molécule HLA présentatrice. En revanche, les cellules tumorales présentent les antigènes avec une faible efficacité en raison de l'absence de molécules co-stimulatrices importantes.

Identification des antigènes tumoraux

Les techniques de clonage permettent d'isoler des clones T cytotoxiques vis-à-vis des cellules cibles. Lorsqu'on veut identifier la séquence de l'ADN correspondant à un antigène tumoral, on prépare l'ADN total de la tumeur puis on le divise en un grand nombre de fragments qui sont insérés dans des vecteurs.

Les vecteurs contenant les fragments sont ensuite introduits dans des cellules portant les mêmes molécules HLA que la tumeur. Les cellules ayant intégre le fragment d'ADN intéressant présentent l'antigène tumoral à leurs molécules du CMH et sont ainsi reconnues et lysées par le clone T.

Pour identifier le peptide dérivé de l'antigène tumoral, on élue les peptides des molécules du CMH par un choc acide. Les peptides élues sont séparés par une chromatographie à haute pression (HPLC). Les différentes fractions sont ensuite incubées avec des lignées TAP-déficientes. Ces lignées sont incapables de charger leurs molécules du CMH avec des peptides. À la surface cellulaire, les molécules du CMH vides sont instables et se dissocient. L'ajout exogène d'un peptide adapté stabilise les molécules du CMH qui présentent désormais le peptide exogène. S'il s'agit d'un peptide spécifique de la tumeur, la cellule sera lysée par le clone T spécifique de la tumeur.